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Répertoire scientifique 

Le « répertoire scientifique » est un système de classification a-hiérarchique et sans ambition exhaustive mis en place dans le but de décortiquer les récits recueillis au gré de notre arpentage de terrain et d’en faire émerger les « composantes » du territoire champenois et leurs spécificités. 

Il s’articule en différents « types » (points de vie, matière habitée, objets trouvés, amore) qui tendent à rompre avec les critères conventionnels de caractérisation, se limitant généralement à une différenciation hermétique entre individus humains et non-humains ou entre matière animée et inanimée. Ici, l’accent est mis sur la richesse et la diversité des entités qui contribuent, de manière plus ou moins directe, à la fabrication et au renouvellement continu du territoire champenois. La classification présentée ci-après ne vise donc pas à enfermer les composantes repérées dans des catégories certes rassurantes mais néanmoins réductrices ; au contraire, elle cherche à souligner, par une analyse spatio-temporelle dynamique, l’existence de correspondances ou des tensions inter-espèces voire inter-types inattendues, qui dessinent des conflits à dépasser ou des alliances sur lesquelles s’appuyer. De fait, le terme de répertoire « scientifique » ne fait pas référence à une méthode de traitement des données répondant à un protocole strict : ce clin d’oeil terminologique témoigne plutôt de la volonté d’offrir à chacune des composantes les mêmes « chances » de représentation (donner corps aux voix dominantes comme aux échos) par la mise en place d’un système de collecte ouvert et évolutif. Rendre compte de ce que nous avons observé sur le terrain nous parait de fait crucial : en donnant à voir et à entendre les multiples réalités qui font territoire, nous espérons offrir à celles-ci un nouvel espace dans lequel exister et se déployer. Répertorier devient ainsi, comme l’évoque la philosophe Vincianne Despret, « le projet le plus modeste » auquel s’atteler pour « créer des mondes plus habitables » en cherchant « comment honorer les manières d’habiter » et « ce que les territoires engagent et créent comme manières d’être, comme manières de faire »[1]

 

1. Points de vie

Le terme « points de vie » désigne le « vivant » au sens large du terme, c’est-à-dire toutes les « entités » (humains, animaux, bactéries, virus et autres organismes) dont l’interaction sur ou en dehors du territoire participe à sa construction et à son évolution. Les points de vie sont analysés dans le répertoire à la lumière de plusieurs critères, dont le croisement renvoie à l’existence d’« affinités » attendues (modèles récurrents au sein d’espèces biologiques identiques ou similaires) comme inédites (points communs inter-espèces ou écarts de comportement au sein d’une même famille). 
A. L’« 
adhérence territoriale » interroge la relation spatiale qu’entretiennent les composantes avec leur(s) milieu(x), par l’identification de différents modèles d’implantation (rayonnement, ancrage hyperlocalisé, mouillage, soudure, réseau sans contact, etc.) qui dessinent autant de manières d’occuper (ou plutôt d’« habiter ») le territoire. 

B. La « temporalité » esquisse les différentes « partitions » (chronique, aléatoire, récurrente, diffuse, etc.) qui témoignent des « activités » (usages, déplacements, arrêts, etc.) des points de vie sur le territoire et renforcent le caractère dynamique de celui-ci. 

C. Le « terrain d’habitude » constitue le point de rencontre entre les deux critères précédents. Il rend compte des trajectoires spatio-temporelles des points de vie, dont la superposition des multiples figures (arpentage, noeud, saut, oeuf, etc.) révèle « l’empreinte spatiale des usages »[2] humains comme non-humains et souligne le caractère « élastique » du territoire et de ses frontières. Comme l’affirme ainsi Vincianne Despret, s’il y a « des territoires qui deviennent corps et des corps qui s’étendent en lieux de vie, s’il y a des lieux de vie qui deviennent chants ou des chants qui créent une place, s’il y a de puissances du son et des puissances d’odeurs, il y a sans nul doute quantité d’autres modes d’être de l’habiter qui multiplient les mondes »[3]… 

2. Matière habitée 

La « matière habitée » regroupe les « signaux » (résurgences vernaculaires et patrimoine grandiose, infrastructures et services décentralisés, vestiges civilisationnels et productifs) qui ponctuent le paysage et témoignent de sa fabrication par couches temporelles (palimpsestes). Ces entités, certes inanimées, constituent des marqueurs signifiants qui racontent des histoires du territoire, auxquelles il nous semble primordial de porter oreille. La plupart étant abandonnées (architectures vernaculaires, patrimoine industriel), en voie de déshérence (infrastructures productives obsolètes) ou tout simplement « mal aimées » (patrimoine agricole, infrastructures d’énergies renouvelables, etc.), ce travail de collecte parait d’autant plus important afin d’éviter d’occulter des pans entiers du « récit territorial », dont ces « ovnis » en tous genres apparaissent comme les gardiens silencieux… 


3. Objets trouvés 

Les « objets trouvés » représentent, comme leur nom l’indique, des « trésors » glanés plus ou moins par hasard au cours de nos promenades et de nos différentes rencontres sur le terrain. À la différence des signaux de la « matière habitée », ils ne se donnent pas directement à lire dans le paysage, mais surgissent régulièrement au détour d’un chemin ou au gré des discussions. Si certains de ces objets peuvent paraître anecdotiques, tous incarnent néanmoins des récits qui nourrissent l’imaginaire collectif. Il parait pertinent d’intégrer ces « trouvailles » à ce répertoire, dans la mesure où ils constituent des « triggers » aisément appropriables et ré-injectables. 

 

4. Amore 

L’« amore » met en lumière le « territoire vécu », c’est-à-dire peuplé des histoires et des anecdotes des êtres qui y évoluent, généralement peu mises en avant dans les analyses classiques mais pourtant indispensables pour faire du territoire un potentiel de projection pour ses visiteurs comme pour ses habitants. Avec l’amore, nous nous efforçons de donner un visage au « sentiment profond et silencieux de bien-être intérieur qui provient de la connaissance d’un lieu particulier de la Terre, ses rythmes journaliers et annuels, sa faune et sa flore, son histoire et sa culture »[4]. Ce faisant, nous suivons l’intuition selon laquelle partager ces expériences profondément personnelles constitue également un moyen de ne pas réduire le territoire à une « identité » ni à des « différences isolant les cultures », mais de l’ouvrir à des « écarts maintenant en regard, donc en tension et promouvant entre eux du commun », des « fécondités »[5] dont il convient de se saisir… Selon cette conception, il n’y a ainsi pas « un monde imaginaire à l’intérieur de nous mais le territoire de tous contenu en chacun »[6]

 

[1] DESPRET Vinciane, Habiter en oiseau, éd. Actes Sud, 2019, p.41-42.

[2] AIT-TOUATI Frédérique, ARENES Alexandra, GREGOIRE Axelle, Terra Forma – Manuel de cartographies potentielles, éd. B42, 2019, p.78. 

[3] DESPRET V., op. cit., p.41. 

[4] KIRKPATRICK Sale, L’Art d’habiter la terre. La vision biorégionale, éd. Wildproject, 2020 (1ère éd. 1985), 276, p.

[5] JULLIEN François, Il n’y a pas d’identité culturelle, éd. L’Herne, coll. Cave Canem, 2016, p.5-6.

[6] AIT-TOUATI F., ARENES A., GREGOIRE A., op cit.

Type de carte 

Frontières 

Clés de lecture

La carte est divisée par quartiers qui représentent les différents lieux de l’échantillon analysé. Ces quartiers sont proportionnés selon la superficie qu’ils occupent par rapport à la superficie totale (échelle de la commune). Deux autres cercles sont placés autour de la cible intérieure. Ils constituent les échelles plus larges : celle de l’intercommunalité et de la région. De ce fait, plus on se dirige vers l’extérieur du cercle, plus on se situe loin de l’échantillon de départ. Il s’agit d’une lecture par imbrications d’échelles.

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