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Intuitions 

« Le » territoire n'existe pas

Ce projet commence par une quête, celle d’un territoire insaisissable, comme certains sont partis sur les traces de la mythique Atlantide. Notre graal n’a pourtant de prime abord rien à voir avec l’île jadis engloutie par les flots : celle-ci constitue un mystère si puissant que les débats sur son authenticité continuent encore aujourd’hui à faire rage, plus 10.000 ans après sa supposée disparition, quand notre sujet d’investigation jouit d’une image si prestigieuse et d’une influence si étendue qu’il serait difficile d’en questionner l’existence. « La » Champagne, puisque c’est de ce territoire dont il sera ici question, n’a de fait pas besoin de présentation : son nom est tellement familier (il s’invite à toutes nos grandes occasions et surgit au détour de n’importe quelle série télévisée) qu’il serait à peine exagéré d’affirmer que n’importe qui dans le monde en a assimilé la nature… 

 

Pourquoi alors parler de quête, quand l’objet qui pique notre curiosité parait déjà consensuel ? 

Pour suivre une intuition (étayée dès nos premières visites sur place), qui nous suggère l’existence, en négatif de cette évidence frappante, de paradoxes tout aussi marquants, que nous nous attacherons à décortiquer tout au long de ce travail.

 

Le premier, de taille, interroge les implications réelles de l’image de marque dont bénéficie notre terrain d’enquête jusque dans des contrées lointaines. « La » Champagne, en tant que territoire, existe-t-elle dans les esprits autrement que comme une trame de fond ayant permis l’élaboration d’un produit phare, son homonyme « le » champagne ? Ce produit, dont l’un des principaux arguments de commercialisation se base pourtant sur la valorisation d’un ancrage hyper-localisé (terroir) et surtout unique (« il n’y a de champagne qu’en Champagne »), n’évince-t-il pas sa « mère nourricière », au sens où il l’englobe dans une réalité ne correspondant que partiellement à son identité profonde ? Il suffit de taper « champagne » sur google pour mesurer à quel point les destins de ces deux mastodontes sont liés et combien il est aujourd’hui difficile de démêler ce qui caractérise intrinsèquement ce territoire séculaire en dehors de son affiliation récente avec son célèbre rejeton. 

 

Notre intention n’est pas de déprécier le « produit » champagne : cette approche serait hypocrite puisque ce travail est né de notre fascination pour cet univers ; elle nierait par ailleurs la richesse de ce milieu qui, certes pour le moins hégémonique, est lui-même traversé par de multiples réalités ne correspondant souvent pas aux poncifs que l’on y projette instinctivement.  

De fait, ce projet s’attache avant tout à interroger un cas particulièrement représentatif de la co-construction d’un territoire et de l’image commerciale visant à le valoriser afin d’en interroger les « tendances souterraines » et de réfléchir à la manière dont déconstruire un modèle que nous pressentons trop unilatéral.
Ce faisant, nous formulons déjà une hypothèse de recherche : il n’existe pas « un » territoire réductible à une image ou un terme univoques, mais un territoire « palimpseste », habité par les récits, les expériences et les trajectoires croisées de composantes hétéroclites. 


Comment, dès lors, donner voix au chapitre à celles et ceux (humains comme non humains) que l’on oublie trop régulièrement dans l’analyse de nos milieux et dans le montage de nos projets ? Peut-on envisager que représenter avec plus d’acuité constitue une première porte d’entrée vers une construction plus inclusive du territoire ? Cette interrogation esquisse la double portée que nous souhaitons conférer à ce travail : celle d’un questionnement sur la nature de ce que nous nommons communément le « territoire » et d’une réflexion méthodologique sur les outils, notamment de représentation, dont dispose l’architecte pour l’explorer et l’investir. 

Annexes 

Cartes rétrospectives : un territoire séculaire insaisissable

Bas Moyen-Âge

498 : Baptême de Clovis à Reims

1065-1453 : Comté de Champagne (Meaux + Troyes)

1284 : Rattachement du Comté au Royaume de France

1454 - 1790 : Gouvernement général - Province de Champagne et de Brie

1790 : Démantèlement des Provinces de Champagne et de Brie

1814 : Napoléon Bonaparte Bataille contre les Russes sur le sol champenois

XIXe : Révolution industrielle (métallurgie + textile en plein essor)

1891 : Projet de région "Plaines de Paris et de la Champagne

XXe : Nouvelles technologies et ouverture à l'international

1918 : Bataille de la Marne

1927 : Loi qui fixe la délimitation de la Champagne agricole

1956 : Région
Champagne-Ardenne

Fin XXe : Instabilité économique

XXIe : Volonté de 
développer le tourisme

Apparition du mot "Champagne" 
Campania : pays plat 

Foires de Champagne : rôle économique majeur en Occident

L'histoire de la Champagne entre dans celle de la France

Formé par la réunion des Comtés de Meaux et Troyes

Création de la Marne, de l'Aube, de l'Aisne, de la Haute-Marne et de la Seine-et-Marne

Défaite de Waterloo : invasion de la Marne, destruction de Châslons

puis installation d'un camp militaire

Économie stable et dynamique

Le géographe Pierre Foncin propose la fusion de départements en régions

Destructions massives, Reims en ruines. Plan de relance économique

1936 : AOC-Champagne, dessin d'une nouvelle limite 

Période des Trente Glorieuses : pas de chômage. 1982 : lois de décentralisation

Les activités industrielles ne sont plus porteuses

Nouveaux axes de développement pour redynamiser la région 

Cartes historiques : des représentations multiples

Sources : 

IMBAULT Daniel, La Champagne : architecture régionale, éd. Jaher, 1986.

CATEL Maurice, MAILLET Germaine, HOLLANDE Maurice, DRUART René, VAILLANT Jean-Paul, Visages de la Champagne, éd. Horizons de France, 1946.

« Champagne : le mot sonne doux et fort. Il annonce une région forte, l’une de celles autour desquelles se structura l’histoire nationale. Il évoque un vin de fête symbole d’une France heureuse. Il chante ou fredonne la grande et la petite musique d’une province célèbre et méconnue. Champagne : ce nom évident demeure plutôt indéfini en raison de multiples et parfois confuses définitions. La Champagne des comptes et des foires, la Champagnes des sacres et des guerres, la Champagne du champagne… Et aussi les champagnes-campagnes, dont celle qui fut dite “pouilleuse” avant la métamorphose qui la fit rivaliser avec les plus riches plaines de l’Ile-de-France. Au coeur de l’Hexagone, cette province liée administrativement, artificiellement et utilement à l’Ardenne se laisse assez facilement circonscrire aux départements de la Marne et de l’Aube, à leurs abords immédiats. Avec quelques approximations, et non sans regrets ! Ne pouvant être délimitée exactement ni par l’historien, ni par le géographe, elle se flatte d’une langue et d’une culture qui sont celles d’une France depuis longtemps unifiée, dont elle fut l’un des premiers éléments constitutifs. Les contours de la Champagne marnaise et auboise sont floues et contestables, mais d’autres tracés seraient plus critiquables à bien des points de vue, et n’en est aucun que pourrait imposer le régionalisme pur et dur, s’il était de mode dans ces terroirs de civilisation que des guerres nées ailleurs brutalisèrent tant. Il y a, de toute façon, énormément à dire des deux départements aux paysages plus contrastés que beaucoup le croient,des villes, des villages, des campagnes souvent très aménagées, presque partout profondément humanisées, même là où le peuplement ne fut jamais dense. », p.5

« Elle a ses forêts profondes, ses étangs secrets aux miroitements vert argent, ses grands lacs où virevoltent des voiliers. Elle déroule des plaines sans fin, balisées de silos, arrondit des collines, étire prodigieusement des horizons céréaliers et betteraviers pour les cacher ensuite derrière des reliefs verdoyants précédant d’autres verdoiements escarpés. Qui s'ennuierait en passant du vignoble marnais au vignoble aubois, des grandes cultures de la Champagne crayeuse aux prairies d’au-delà de la forêt d’Orient ? (...) En empruntant, par exemple, les grandes routes rectilignes filant vers un horizon en perpétuelle reculade, au sud de Châlons-sur-Marne. Les steppes et les étendues pauvrement boisées que les voyageurs d’antan décrivaient avec tant de désolation sont devenues des champs illimités, que parcourent lentement, obstinément, les énormes engins de la culture mécanique, en d’interminables va-et-vient. Un rien mélancolique, parce que les hommes sont rares et les villages invisibles. (...) Les vignes, qui dévalent des lisières boisées vers les plaines à peine ondulées, dessinent, en contraste total, de petits tableaux soignés, cadrés par des arpenteurs conscients de la valeur du terrain », p.12.

→ DELPAL Jacques-Louis, Merveilles de Champagne, éd. de la Martinière, 1993, 191 p.

Type de carte 

Frontières 

Clés de lecture

La carte est divisée par quartiers qui représentent les différents lieux de l’échantillon analysé. Ces quartiers sont proportionnés selon la superficie qu’ils occupent par rapport à la superficie totale (échelle de la commune). Deux autres cercles sont placés autour de la cible intérieure. Ils constituent les échelles plus larges : celle de l’intercommunalité et de la région. De ce fait, plus on se dirige vers l’extérieur du cercle, plus on se situe loin de l’échantillon de départ. Il s’agit d’une lecture par imbrications d’échelles.

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